Archives pour la catégorie Poèmes

ENGRENAGES

Ils étaient si nombreux
Que j’en ai oublié leurs noms
Ils étaient si nombreux
Que les traits de leurs visages
Se sont effacés dans les tombeaux de ma mémoire
Ils étaient si nombreux…
Ils étaient jeunes
Ils étaient pauvres
Avec pour tout bagage dans le cœur ces rêves d’une vie meilleure
Qui luisaient dans la nuit
De l’autre côté du mur de l’océan
Ils étaient si nombreux
Ils étaient hommes
Ils étaient donc mes frères
Ils étaient si nombreux…
Grains de sable devenus
Ils gisent aujourd’hui dans les profondeurs abyssales du détroit de Gibraltar
Déchiquetés par des prédateurs invisibles
Leurs chairs tapissent les entrailles des requins-tigres
Anonymes et gorgés d’eau
Ils grelottent maintenant dans les casiers numérotés
Des chambres froides de la mythique Europe.
Ils étaient si nombreux
Ils étaient si jeunes
Ils étaient pauvres
Ils étaient hommes
Nous étions frères…
Partis de l’autre bout du monde
Chassés par la guerre
Chassés par la misère
Chassés par l’injustice
Chassés par la faim
Chassés par les canons
Chassés par le désespoir
Ils sont morts en silence
Enveloppés dans le linceul azuré de l’océan
Ils sont morts
Au nom d’une politique menée à l’autre bout de la terre par d’autres requins encravatés
Ils sont morts
Au nom de l’égoïsme implacable des nantis du monde dit-développé
Ils sont morts
Au nom de cette politique qui appauvrit des millions pour enrichir quelques uns
Ils sont morts
Pour que s’envole la courbe sanglante des dividendes des bourses de l’enfer
Ils sont morts
Pour que l’ogre du grand capital assouvisse son féroce appétit
Ils sont morts…
« Il n’est pas responsable personnellement de tout cela » me direz-vous…
 » Ce n’est qu’un simple soldat, un porte étendard, qui se contentera d’obéir aux ordres des capitaines d’industrie, à ceux des maréchaux de la finance ou aux injonctions des généraux du commerce  »
« Et lui aussi il est si jeune »…
Oui, oui, je sais
J’ai déjà entendu pareille rengaine
Il y a une poignée d’obus de temps
Ecolier
Dans mon livre d’Histoire…
Ils sont si nombreux
Que j’en oublie leurs noms
Ils sont si nombreux
Que leurs visages se confondent dans ma mémoire
Ils sont si nombreux ce matin
A attendre sur la plage froide et grise
Que vienne les chercher la barque fleurie de l’espérance
D’un monde nouveau plus juste, plus solidaire, plus humain…

Claude.

Huffington post
Source photo : Huffington post
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Comme eux…

(Ainsi parlait le vieil aborigène martiniquais)
Nous vivons comme eux… désormais.
Chacun dans sa cage de béton,
Aigri comme un jour sans pain,
Chacun dans sa petite lucarne numérique,
Connecté au royaume des ondes wifi.
Chacun dans son téléviseur à écran unidimensionnel,
Enrubanné dans le sarcophage des télénovélas.
Chacun dans son horloge cadencée au pas de l’oie,
Sous le tic-tac de plomb de l’implacable solitude.
Chacun dans son sanglant sillon quotidien,
Le front labouré des mêmes éternels soucis.
Chacun dans sa cellule 4 G, 5G, 6G…
Masturbant ses touches bavardes et muettes.
Chacun dans ses petits meubles en kit,
Taillés dans la gueule de bois du crédit à la consommation.
Chacun dans son caddy à roulettes,
Empaillé de néant et de vide.
Chacun dans le cimetière de ses passions perdues,
Egrenant le chapelet de ses rêves mort-nés.
Chacun dans ses calculs à géométrie variable,
Avec la cruelle inconnue de l’ombre.
Nous vivons comme eux.
Dans leur prison de peurs et d’objets muets,
Dans cette prison glacée qu’ils nomment « modernité », « développement », « progrès ».
Nous vivons comme eux… désormais.
Pas de temps pour se voir,
Rien que pour se dire deux mots et quatre paroles.
Pas de temps pour se rendre visite,
Rien que pour se regarder et se toucher la main.
Pas de temps pour partager un repas,
Rien que pour se taper sur le ventre.
Pas de temps pour piquer ensemble une tête dans l’eau,
Rien que pour faire quelques vagues.
Pas de temps pour écouter chanter la nuit,
Rien que pour savourer la musique des étoiles.
Pas de temps pour blablater autour d’un verre,
Rien que pour respirer le parfum d’un jus de fruits.
Pas de temps pour rigoler avec les vieux,
Rien que pour nous rafraichir la mémoire.
Pas de temps pour rire avec les enfants,
Rien que pour refleurir notre âme.
Pas de temps pour nous aimer,
Rien que pour remercier le jour de briller.
Pas de temps pour mordre dans la chair de la vie,
Rien que pour nous sentir humains, ensemble et bien vivants.
Pas de temps, pas de temps pour rien,
C’est très exactement ce qu’ils disent,
Dans leurs pays couverts de marchandises, de glace et de tristesse
Ces pays où le temps n’existe plus.
Ces pays où seuls comptent l’or et l’argent.
Nous vivons comme eux,
Hors du temps,
Hors de notre vie,
Hors de la vie,
Et, comme eux,
Nous voilà entrainés
Dans la ronde obscène des zombies,
Hallucinés
Par la danse aveugle et folle,
Des démons de béton, de luxure et d’acier…

Martinique….Novembre 2016.

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La légende de Saint-Pierre

Saint-pierre fut belle
Avant que d’être cendres.
Pour sa beauté jadis,
Un volcan s’enflamma
Et par le tourbillon de la passion emporté,
Il consuma un matin
La fleur de son amour.
Alors, dans le silence de l’éternité, la ville se figea.
Mais le temps guérit toutes les blessures,
Celles du corps comme celles de l’âme,
Et en toute chose germe son contraire.
Sur les cendres des années
Lentement les arbres refleurirent,
Sur les berceuses des flots
Les rires reconquirent les cœurs,
Dans le limon des rêves
La vie redessina l’avenir.
Et la belle, aujourd’hui,
Dans sa robe de verdure et d’espérance,
Drapée de cette beauté secrète
Dont nous vêt l’expérience,
Chaque matin,
Avec la grâce et l’élégance d’antan,
D’un large sourire
Salue à l’horizon
Le jour flambant neuf qui ouvre ses ailes.

Claude Ledron.

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Cycles

Chacun s’en vient au monde,
Nu comme un soleil du matin,
L’âme foisonnante des rêves
Ensemencés par les pères.
Les fils dans les pas des aînés
Au long des sillons de la destinée
Patiemment fécondent l’avenir.
Depuis le fond des âges
A la caravane de l’humanité
Chacun offre son dû ;
Aux heures fusionnent les secondes,
Aux années s’unissent les flots des jours,
Dans le moule du temps coulent les siècles.
Et puis,
Chacun s’en va du monde
Nu comme une lune endormie
L’âme tapissée de ces pétales de rêves
Qu’à leur tour
D’autres enfants impatients,
Avec la désinvolture joyeuse de la vie,
Lanceront demain
Vers les cieux infinis.

Claude Ledron.

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Je ne suis pas venu pour ça…

Même si,

Tout comme vous, je suppose,

J’ignore la raison profonde de ma visite en ces lieux,

Je me permets de penser quand même que :

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement acheter

L’ultime mouture

Du dernier bipode à cristaux liquides venu,

Le tout nouveau

Cercueil à roulettes à la mode,

Ou le dernier cri de la veuve Cliquot.

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement parader

Dans une jolie automobile à pistons chromés,

Pendant que des petits malins dans l’ombre

Tirent les ficelles,

Pour nous faire marcher sur la tête,

Et boire par les narines.

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement bénéficier

D’une remise de 5% sur un rouleau de papier hygiénique,

Ou d’une ristourne alléchante

Sur le troisième pot à leurres en plastique rose,

Et pour finir,

En bout de chaine d’une existence en rabais exponentiel,

Compactés et lyophilisés sur une étagère en sapin.

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement profiter

D’une bonne mutuelle

Avec une excellente couverture dentaire,

Et flétrir solitaire

Dans l’aile arrière

D’un asile immaculé et taciturne.

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement jouir,

Une poignée d’années,

D’une retraite à taux plein,

Après nous être fait vider complètement de nous-mêmes,

Pendant presqu’un demi-siècle,

De labeur quotidien.

Nous ne sommes pas venus sur terre,

Pour seulement multiplier

Des dentelles de zéros,

Sur un compte en banque en papier filigrané,

Qui,

De toutes les façons

Se métamorphosera,

Un jour ou l’autre,

Comme nous tous,

En un petit agrégat de poussière,

Dans la tourbière des siècles.

Même si,

Tout comme vous, je suppose,

J’ignore la raison de ma visite en ces lieux,

Je suis, au moins,

A peu près sûr de cela.

Claude Ledron.

 

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Delirium materialicus

L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !
A les écouter
Le monde aurait été enfanté
Par un carnet de chèques
L’homme façonné avec un billet de banque
Et la femme
Ne serait qu’une commission sur vente.
A les entendre
Le soleil serait de l’or en barres
La pluie de la menue monnaie
Le ciel un guichet de casino
Et le vent le bavardage futile d’un courtier paresseux

Quelle est donc cette folie ravageuse
Qui se masque souvent derrière la terrible massue de la raison dominante ?

 » L’argent est la clef du monde »
 » Sans argent tu n’existes pas  »
 » Arrête de rêver et vient ramper sur terre comme tout le monde »
 » Sois réaliste, tu ne peux pas changer l’ordre des choses »
 » Pauvre fou !  »
 » Tu verras quand tu seras vieux, seul, pauvre et malade »

L’argent
Encore l’argent
Toujours l’argent
Rien que l’argent !
A les écouter
On pourrait croire
Que toute la magie de l’univers peut tenir sur la micro-puce d’une carte de crédit
Que la vie est un contrat mal négocié
Demain une avance sur salaire
La musique une juteuse machine à sous
L’amitié un investissement à perte
L’amour tout au plus une périlleuse cotation boursière
Et un simple rire jailli tout droit du cœur un bon filon à creuser

A les entendre
Dieu ne serait que le caissier de la Galaxie
Wall street la maison-mère du bonheur
Las Vegas une succursale du Paradis
Mercedes Benz la clef de la béatitude
Et tout le reste chimères néant et illusion.

Quelle est donc cette folie meurtrière
Qui corrompt en silence le cœur des hommes crédules ?
Qui déchire méticuleusement le monde
De l’est à l’ouest
Du nord au sud
De Washington à Ouarzazate
De l’Oural à Cap Canaveral
A tous les coins de rue
Dans nombre de familles
Sur tous les podiums de l’iniquité
Sous la langue de plomb des marchands de canons
A l’ombre de tant de crimes?

L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !

« L’argent est le maître du monde »
Mensonge diabolique !
Arrogance suprême !
Paroxysme de la démence !
L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !

En vérité je l’affirme haut et fort (faisant fi des rires moqueurs des possédants possédés et négligeant les regards acides des courtisanes déculottées)
L’argent est le fils bâtard de l’injustice
Le père de toutes les guerres
La quintessence de la démence des hommes
L’argent tue notre humanité
L’argent mange le monde à pleines dents
Et les hommes,
A genoux devant la Bête immonde et malfaisante
L’âme enchaînée à l’apocalyptique mathématique
Dans une nuit sans fin
Se sont engouffrés…

Claude Ledron

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Conte poétique : le petit garçon et le tambour

C‘était un petit garçon tout noir.
Noir et beau, comme une nuit tropicale.
Ses yeux brillaient comme des étoiles
Et sa bouche était couleur du soleil levant.
Il marchait seul,
Sur une route poudreuse
Qui semblait s’allonger à chacun de ses pas.
Nul ne savait qui il était,
Nul ne savait d’où il venait
Nul ne savait où il allait.
Son visage ne portait les marques d’aucune tribu
Et la langue qu’il parlait n’était comprise de personne,
Pas même des anciens.
Il marchait depuis longtemps,
Si longtemps
Que sa mémoire était devenue aussi fluide
Que la poussière des jours.
Les arbres le long de sa route
Semblaient immobilisés par une main invisible,
Les oiseaux n’étaient que des cailloux de plumes
Tristement posés sur les branches,
Le ciel lui-même, d’habitude si joyeux dans son habit de lumière,
ressemblait à un miroir de feu.
Le petit garçon aux yeux étoilés
Marchait, marchait et marchait encore.
Soudain, alors que les créatures de la nuit
Commençaient à ramper silencieusement
Entre les arbres, dans un grand souffle mystérieux,
Apparut un vieil homme.
Il était si vieux
Que chacune des rides de son front
Aurait pu abriter un océan.
Si vieux
Que ses yeux avaient dû voir
le premier sourire du soleil.
Si vieux
Que ses doigts avaient dû tisser
la chevelure de tous les arbres de l’univers.
D’une voix qui semblait jaillir du ventre de la terre,
Le vieil homme dit au petit garçon couleur d’une nuit tropicale :
La lumière est dans tes mains,
Puis il disparut dans un gigantesque éclair
Quand le petit garçon rouvrit les yeux, il vit, à l’endroit où se tenait
le vieillard
Une caisse ronde
Taillée dans un tronc d’arbre
Sur laquelle était tendue une peau de buffle.
C’était un tambour.
Cadeau des dieux aux âmes déshéritées de ce monde
Une des clefs de la fondamentale harmonie de l’univers.
Sans trop savoir pourquoi,
Le petit garçon avança doucement la main
Et tapa sur le ventre du tambour.
Un son sourd et mélodieux,
Semblable aux chuchotements de la mer
Les nuits de pleine lune
Semblable à la chanson de la foudre
Les jours de pluie,
S’en échappa
Et s’envola avec majesté.
Au même moment,
Le ciel s’ouvrit et une cascade de rires en jaillit.
Fasciné, l’enfant tapa de nouveau sur le tambour.
Dans un bruit de tonnerre,
Le vent libéré d’un sombre sortilège,
Se réveilla
Et se mit à siffloter entre les branches des arbres.
Le petit garçon tapa, tapa, tapa encore sur la peau enchantée
Et de partout les oiseaux lui répondirent,
Entonnant la chanson magique
Que seules les oreilles exercées peuvent entendre.
Ils formèrent ensuite dans le ciel
Une immense auréole de toutes les couleurs
Qui illumina la nuit
Et dans le lointain on entendait des voix d’hommes qui se rapprochaient
Et on dansait on chantait et on riait au son merveilleux du tambour
Car, celui que l’on avait cru perdu
Dans le dédale ensorcelé de la mémoire,
L’enfant à la bouche couleur du soleil levant était retrouvé.
Claude Ledron.

(Texte protégé).

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Poème : grands discours et petite vertu

AU NOM DE LA LOI !
Je vous arrête.
AU NOM DE LA FOI !
Je vous crucifie.
AU NOM DE LA LIBERTE !
Je vous esclavagise.
AU NOM DE LA CIVILISATION !
Je vous barbarise.
AU NOM DU PROGRES !
Je vous asservis.
AU NOM DE LA SCIENCE !
Je vous infériorise.
AU NOM DE LA MORALE !
Je vous pervertis.
AU NOM DE LA CULTURE !
Je vous colonise.
AU NOM DE LA LIBRE-ENTREPRISE !
Je vous exploite.
AU NOM DU DÉVELOPPEMENT !
Je vous appauvris.
AU NOM DE LA DEMOCRATIE !
Je vous bâillonne.
AU NOM DE LA PAIX !
Je vous bombarde.
AU NOM DE LA MONDIALISATION !
Je vous anéantis.
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western cassoulet sous les tropiques

Nous voila devenus, nous Martiniquais, semblables à ces indiens des westerns à l’eau de colon que nous allions voir le dimanche au cinéma, après avoir ingurgité les louchées de sermons au vinaigre du curé.

Comme des indiens dans une réserve, à nous chamailler pour une  bouteille d’alcool frelaté, un regard de travers ou  une paire de fesses usagées, pendant que les gentils pionniers installent leurs roulottes sur les terres de nos ancêtres.

Nous sommes comme des indiens dans un mauvais western d’Hollywood.

Nos terres ont été empoisonnées par les voleurs d’avenir et les marchands de pacotilles.

Nos femmes se comportent comme des écervelées frivoles qui font les coquettes dans les diligences à la mode ou se disputent les morceaux de chiffons bariolés des magasins des colons.

Nos fils sont devenus des voleurs à la petite semaine qui s’entretuent pour un mulet de fer, une barrette de crack, une poignée d’euros ou juste pour le plaisir de faire gicler le sang.

Nos hommes soupèsent leur virilité dans des bouteilles de rhum tord-cervelle fabriquées par des contrebandiers amis des grands planteurs.

Nos vieux, dans un coin de l’écran, crèvent,  emmurés dans la solitude et la tristesse avec leurs vieilles histoires du passé que plus personne n’écoute.
Pendant ce temps, les gentils visages pâles installent leurs roulottes et plantent leurs chimères d’Eldorado sur les terres de nos ancêtres.

Nous sommes comme ces indiens de la réserve du grand Manitou que nous allions visiter le dimanche au cinéma après avoir ingurgité les louchées de sermons au vinaigre du curé.

Sur le grand écran de l’histoire, dans un nuage de fumée médiatique, notre vie s’effiloche au triple galop.

Jamais l’on ne voit nos visages sombres ni nos têtes crépues, jamais l’on n’entend  nos voix et nos cris, seulement le vacarme des caravanes, la ronde impitoyable du progrès-consommation et les rires des pionniers qui plantent leurs piquets de propriétaires et accrochent leurs barbelés d’acier aux entrailles de notre terre.

Le film maintenant tire à sa fin.

L’indien sauvage se balance au bout de la corde de la civilisation, et nous descendants de nègres d’Afrique, cargaison incongrue du passé, oubliée sur une plage tropicale par un coursier mandaté par Louis le quatorzième, amnésiques, déboussolés et abrutis par les livres d’école du colon, nous sommes en train de trépasser, à tout petit feu, gorgés d’alcool, de chimères, de stupéfiants et de marchandises, piétinés par les sabots  d’acier des supermarchés.
Au journal télévisé, chiffonné, bâillonné,  le shérif du comté, le doigt sur la détente, passe en hélicoptère dans le ciel tricolore et sur la ligne d’horizon de la terre promise, les pionniers utilisent les éperons de leur jolie langue fourchue pour réécrire le scénario de l’histoire,  pendant que se succèdent les publicités ensoleillées, gesticulent les bandits en costumes trois-pièces, s’activent les marchands de pizzas et de Pig-Mac, défilent les interminables rangées de chômeurs subventionnés, se contorsionnent les serpents à sonnettes et paradent les véliplanchistes de carnaval.

Comme des indiens dans un très mauvais western d’Hollywood.

Claude Ledron. [cml_media_alt id='851']Vieil indien[/cml_media_alt]

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Poème : dépliant touristique

Mon pays n’est pas,
Cette doudou d’opérette,
Cette poupée de sable métisse au profil de catin,
Qui se déhanche sans fin
A l’horizon manufacturé de vos fantasmes exotiques.

Mon pays n’est pas,
Cette pom-pom girl tropicalisée,
Cette greluche créole aux accents parisiens,
Enivrée aux effluves publicitaires
Des rhumeries liberticides du passé.

Mon pays n’est pas,
Cette courtisane en madras,
Cette marionnette de marketing,
Empalée sur le sexe-palmier
De vos magazines à la petite semaine.

Mon pays n’est pas,
Cette valetaille à genoux,
Cette figurine de musée colonial,
Enchaînée au piquet du sourire commercial
Derrière les barbelés de vos tours operators de quatre sous.

Mon pays,
N’est pas SEA.
Mon pays,
N’est pas SEX.
Mon pays,
N’est pas SUN.

Ne vous en déplaise !
Pères et mères,
De Christophe Colon,
De Robinson Crusoé,
De Tarzan et Jane.
Frères et sœurs,
Du douanier Apartheid,
Du contrebandier en catamaran,
Du petit pédophile à lunettes,
De la vieille nymphomane en salopette.

Entendez-le bien !
Bouffons de la Compagnie Créole et d’ailleurs,
Oncles TOM et tantes DOM de tous acabits,
Béni-oui-oui en cravates carcans et colliers choux,
Filles de joie en carte bleue, cravaches et culottes en courants d’air,
Croupiers proxénètes,
Croque-mitaines en goguette,
Corsaires et flibustiers nostalgiques,
Détrousseurs de liberté,
Administrateurs de lupanars,
Bâtisseurs de bantoustans.

Mon pays,
N’est pas SEA,
N’est pas SEX,
N’est pas SUN.

Claude Ledron.

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