Conte poétique : le petit garçon et le tambour

C‘était un petit garçon tout noir.
Noir et beau, comme une nuit tropicale.
Ses yeux brillaient comme des étoiles
Et sa bouche était couleur du soleil levant.
Il marchait seul,
Sur une route poudreuse
Qui semblait s’allonger à chacun de ses pas.
Nul ne savait qui il était,
Nul ne savait d’où il venait
Nul ne savait où il allait.
Son visage ne portait les marques d’aucune tribu
Et la langue qu’il parlait n’était comprise de personne,
Pas même des anciens.
Il marchait depuis longtemps,
Si longtemps
Que sa mémoire était devenue aussi fluide
Que la poussière des jours.
Les arbres le long de sa route
Semblaient immobilisés par une main invisible,
Les oiseaux n’étaient que des cailloux de plumes
Tristement posés sur les branches,
Le ciel lui-même, d’habitude si joyeux dans son habit de lumière,
ressemblait à un miroir de feu.
Le petit garçon aux yeux étoilés
Marchait, marchait et marchait encore.
Soudain, alors que les créatures de la nuit
Commençaient à ramper silencieusement
Entre les arbres, dans un grand souffle mystérieux,
Apparut un vieil homme.
Il était si vieux
Que chacune des rides de son front
Aurait pu abriter un océan.
Si vieux
Que ses yeux avaient dû voir
le premier sourire du soleil.
Si vieux
Que ses doigts avaient dû tisser
la chevelure de tous les arbres de l’univers.
D’une voix qui semblait jaillir du ventre de la terre,
Le vieil homme dit au petit garçon couleur d’une nuit tropicale :
La lumière est dans tes mains,
Puis il disparut dans un gigantesque éclair
Quand le petit garçon rouvrit les yeux, il vit, à l’endroit où se tenait
le vieillard
Une caisse ronde
Taillée dans un tronc d’arbre
Sur laquelle était tendue une peau de buffle.
C’était un tambour.
Cadeau des dieux aux âmes déshéritées de ce monde
Une des clefs de la fondamentale harmonie de l’univers.
Sans trop savoir pourquoi,
Le petit garçon avança doucement la main
Et tapa sur le ventre du tambour.
Un son sourd et mélodieux,
Semblable aux chuchotements de la mer
Les nuits de pleine lune
Semblable à la chanson de la foudre
Les jours de pluie,
S’en échappa
Et s’envola avec majesté.
Au même moment,
Le ciel s’ouvrit et une cascade de rires en jaillit.
Fasciné, l’enfant tapa de nouveau sur le tambour.
Dans un bruit de tonnerre,
Le vent libéré d’un sombre sortilège,
Se réveilla
Et se mit à siffloter entre les branches des arbres.
Le petit garçon tapa, tapa, tapa encore sur la peau enchantée
Et de partout les oiseaux lui répondirent,
Entonnant la chanson magique
Que seules les oreilles exercées peuvent entendre.
Ils formèrent ensuite dans le ciel
Une immense auréole de toutes les couleurs
Qui illumina la nuit
Et dans le lointain on entendait des voix d’hommes qui se rapprochaient
Et on dansait on chantait et on riait au son merveilleux du tambour
Car, celui que l’on avait cru perdu
Dans le dédale ensorcelé de la mémoire,
L’enfant à la bouche couleur du soleil levant était retrouvé.
Claude Ledron.

(Texte protégé).

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